À l’instar de toutes les grandes crises, la crise économique et sanitaire du covid-19 constitue un choc pour l’ensemble des salariés, des entrepreneurs et plus largement de tous les individus. La prévision sur l’impact macro-économique du Covid s’est déjà installée dans un consensus. Pour les pays les plus durement impactés, ce sera 11 à 12% de perte de PIB en 2020, suivi d’une récupération très incomplète en 2021, voire 2022.
Si certains ont vu leur activité s’intensifier, comme nous le disions dans un précédent article, d’autres à l’inverse font l’expérience d’un arrêt brutal synonyme d’ennui ou de reconstruction de leur activité à distance avec le télétravail.
Plus fondamentalement, ce moment de rupture constitue une occasion de questionner la conception personnelle du travail propre à chaque individu. L’intérêt pour le sens donné au travail n’est pas nouveau et les managers sont souvent confrontés de manière directe ou indirecte à ce questionnement. Nombreux sont les travaux de recherche en management à souligner le renouveau du rôle des valeurs dans le travail parmi la génération milléniale ou encore en fonction du genre.
Cependant, le choc de carrière défini comme un événement peu fréquent et extraordinaire (Akkermans, Seibert, & Mol, 2018) qui provoque un processus de mise en question du travail n’a jamais été vraiment étudié dans la littérature selon une perspective globale, affectant les sphères professionnelles, familiales comme amicales (cf. notre conférence numéro 1 du cycle Management de l'IFPNM-Helevato).
Pour autant, cinq composantes clés sont identifiées dans la littérature pour caractériser un choc de carrière :
Dans le cas du COVID19, aucun choc similaire n’a jamais été observé dans la vie professionnelle de la majorité des salariés. Sa prévisibilité par les salariés et son contrôle étaient faibles : si pour certaines entreprises, la prévisibilité était impossible (exemple des secteurs du spectacle ou de la restauration), pour d’autres, cette prévisibilité était complexe et liée à une connaissance internationale des mesures mises en place (secteurs de l’automobile et de l’aéronautique grâce notamment aux autres centres de production étrangers). rare sont les salariés à prendre conscience de ces signaux faibles !
De plus, la première inconnue à long terme tient à l’inégale maîtrise de la pandémie et au risque de rechute induit qui floutent encore plus la compréhension des mécanismes de reprise pour les salariés et les entreprises. La crise sanitaire ne bouscule pas toutes les activités de la même manière et notamment questionne la sortie de crise. Certaines sont aujourd’hui soumises à des interrogations existentielles d’une ampleur inégalée qui les conduisent déjà à réviser en profondeur leur plan de charge et peut-être demain leur modèle d’affaires.
L’aéronautique, l’automobile, le transport aérien, des pans entiers des services aux ménages, liés au loisir, au divertissement, en y incluant la restauration et l’hôtellerie… tous ces secteurs affrontent une crise durable, liée à une reconfiguration des usages. Les salariés regardent pour beaucoup impuissant ces évolutions. Le choc de carrière n’est alors pas contrôlable par les individus et aucun moyen n’est possible pour se soustraire à la crise. La crise du COVID19 crée enfin un choc sur une longue période avec des conséquences qui ne sont pas encore toutes identifiées et qui poussent les individus à une remise en cause du sens que l’on donne au travail.
Les recherches sur le sens du travail (Michaelson, Pratt, Grant, & Dunn, 2014) soulignent son impact positif sur la productivité et le bien-être au travail. Remarquons que c’est le sens au travail qui améliore le bien-être au travail. Le bien-être au travail ne peut se créer de façon artificielle. L’intention de départ vers d’autres entreprises et le taux de turnover (même dans certains cas, le départ anticipé à la retraite) sont liés à la recherche de sens au travail. La recherche de sens au travail contribue donc à la fois à une organisation plus efficace et au développement d’un travailleur épanoui. Cependant, même s’il est important pour l'efficacité et l'épanouissement, le sens ne suffit pas et bien d’autres facteurs rentrent en course.
Étudier dans son organisation comment le choc de carrière constitué par la crise du covid 19 influencera le sens donné au travail par les salariés est primordial. Cette analyse permet l’amélioration de la compréhension de l’engagement dans le travail des salariés à un moment où ce dernier sera central dans le redémarrage de l’entreprise et du pays.
Les premiers travaux menés dans ce sens montrent :
Ces informations doivent donc questionner les managers sur les meilleurs pratiques et accompagnements à avoir avec chacune et chacun des salariés.